BRUCE LEEn 1973, la mort brutale de Bruce Lee laissa le petit monde du cinéma d'arts martiaux hong kongais orphelin et inconsolable pendant au moins dix bonnes minutes.
Puis, la nature et les producteurs véreux ayant horreur du vide, le business repris ses droits et nous assistâmes à l'une des plus extraordinaires opérations de clonage jamais réalisée :
La BRUCE EXPLOITATION
Bien sûr la première réaction des producteurs fut déjà de récupérer ce qui pouvait l'être dans le tournage du "Jeu de la mort",une dizaine de minutes de métrage, soit deux combats (la légende dis qu'il y aurait en tout 98min du VRAI JEU DE LA MORT tourné par BRUCE LEE)
plus quelques chutes provenant de films précédents.
On y ajoute des images de l'enterrement du petit dragon et un sosie pas trop ressemblant la tête affublée de bandages (voir même d'un collage de la tête de Bruce Lee) et roule ma poule, voilà un film posthume. N'ayant vraiment honte de rien, il y aura même un "Jeu de la mort 2"
Le culte du petit dragon ne voulant pas s'éteindre, un certain nombre de producteurs margoulins passèrent à la vitesse supérieure pour profiter de l'aubaine. C'est ainsi qu'apparurent tout un tas de films joyeusement tronçonnés, aux titres fantaisistes, consistant à rajouter des images d'archives de Bruce dans un récit qui n'avait rien à voir.
Poussant le bouchon toujours plus loin, on vit apparaître quelques titres repompant allègrement ceux du petit dragon ("Enter the game of death", "Big Boss 2", "Return of the fist of fury", "Exit the Dragon, Enter the Tiger") et interprétés par des acteurs aux noms curieux : Bruce Li, Bruce Leung, Dragon Lee, Myron Bruce Lee, Bruce Lei, Bruce Lie, Bruce Lea, Bruce Thai, Bronson Lee, Steve Lee etc…
Parmi toute cette Bruceploitation (certains vont jusqu'à avancer le chiffre de 200 films surfant plus ou moins sur cette vague), il convient de nous attarder sur le cas d'un des plus prolifiques : Bruce Le. Ce n'est pas le premier ni le plus reconnu des imitateurs du petit Dragon : depuis 72, c'est le Taïwanais Bruce Li (Ho Chung Tao) qui est la star du genre. Néanmoins, Le est celui qui va tourner dans les films les plus hallucinants, fréquentant entre autre Jean-Marie Pallardy, Alphonse Beni ou Cirio H. Santiago.
De son vrai nom Huang Kin Lung, il est lui aussi par son père d'origine taïwanaise (était-ce si étonnant qu'une île réputée entre autre pour son industrie de la contrefaçon soit le vivier de si nombreux pseudo-Bruce ?) et birman par sa mère. Il étudie la gymnastique et les arts martiaux en Birmanie et commence sa carrière cinématographique dans l'écurie Shaw Brothers par des figurations ou des seconds rôles.
Comme il bénéficie d'une vague ressemblance avec l'original, il se fait remarquer par les frères Shaw et est crédité au générique sous le nom de "Xiao Long" , ce qui signifie "Petit Dragon" en mandarin. Un de ses premier vrai rôle n'est autre que dans l'ébouriffant "Super Inframan", flamboyante réponse chinoise aux sentaï japonais, films et séries de super héros tatanant des monstres en latex. Une entrée en fanfare donc, même si notre homme n'y joue que l'un des comparses du héros, interprété par Danny Lee
Se sentant sous-exploité par les Shaw qui ne lui donnent pas de vrais grands rôles, il rompt son contrat en 76, conservant cependant le nom de Bruce Le qui lui a finalement été donné. Il signe avec de petits producteurs, "PT Insantra films", pour figurer en vedette. Il y tournera à la chaîne des films de bruceploitation essentiellement réalisés par des tâcherons comme Joseph Kong ou Joseph Velasco en retrouvant souvent les autres acteurs maisons, le vétéran Lo Lieh et l'impressionnant Bolo Yeung.
Pour compléter les financements, ils s'associent avec le Canadien Dick Randall, figure méconnue mais semble t-il fondamentale du Z mondial. Distributeur sur le circuit américain de productions internationales fauchées pour drive-in, Randall fait son marché dans le monde entier et finance largement une bonne part du cinéma d'exploitation de tous les continents : on le retrouve aussi bien à produire l'espagnol "Supersonic Man" de Juan Piquer Simon que le philippin "For Your Height Only" avec le nain Weng Weng ; l'italien et délirant "Le Château de Frankenstein" comme les productions érotiques de Jean-Marie Pallardy telles "Emmanuelle 3". Producteur d'un documentaire sur la jeunesse du petit dragon, "The Young Bruce Lee", il flaire le bon filon avec la Bruceploitation… Il y a là des affaires à faire. C'est lui qui va produire et distribuer une bonne part des films de Bruce Le
L'un des premiers d'entre eux est le délirant "The Clones of Bruce Lee" avec la présence au générique de Bruce Le, Dragon Lee, Bruce Lai et Bruce Thai. Il faut au moins cela dans ce film où un savant fou décide de créer à partir de cellules prélevées sur le corps de Bruce Lee, trois clones karatékas et de les envoyer affronter un non moins siphonné Dr Ny et son armée de bonzes fanatiques en Thaïlande. Réalisé par Joseph Kong, ce film obtient vite une réputation aussi alléchante que son synopsis, c'est-à-dire celle d'un nanar aussi fauché que grotesque.
Dans la foulée, Bruce tourne beaucoup. Dans les quatre à cinq films par an (les dates de sorties sont souvent assez peu précises), généralement sans grande imagination. Des histoires de moines Shaolin, de vieux maîtres assassinés ou bafoués, de vengeances, de méchants japonais (les méchants sont toujours japonais) et de combats à un contre vingt au nunchaku. Certains bien que très opportunistes et surjoués sont considérés comme plutôt bons d'un point de vue martial comme « Les 6 Epreuves de la Mort » en 77 (son meilleur disent les spécialistes), la plupart sont assez navrants. Et surtout Bruce n'hésite jamais à singer son maître, reprenant consciencieusement tous les tics de l'original : cris stridents, passage du pouce sur le nez pour narguer l'adversaire, muscles bandés et poses crispées au regard farouche après avoir porté un coup.
FILMOGRAPHIEJFINIRAI PLUS TARD MON ORDI BUGG A MORT